Le tango de la désincarcération : tirer les leçons du sauvetage en sports automobiles
Quand j’ai commencé à travailler comme pompier il y a une quinzaine d’années, les voitures en circulation étaient d’un genre entièrement différent des véhicules d’aujourd’hui. La méthode de désincarcération était moins aboutie et les outils que nous utilisions étaient plus lents et plus lourds. L’approche de désincarcération que j’ai apprise était fondée sur le principe de « prendre son temps » : votre victime incarcérée est fragile comme le verre et vous devez tout faire pour éviter de lui faire mal ou d’aggraver sa condition. Heureusement, nous avons maintenant des outils de désincarcération plus développés (plus rapides et plus faciles à manipuler), et nos techniques de désincarcération ont évolué pour donner une importance plus centrale à la gestion du temps, dans le but d’améliorer les chances de rétablissement de la victime.
Cependant, au moment où j’écris ceci, je sais que beaucoup de personnes traitent encore leurs victimes comme on traite le verre, c’est-à-dire en faisant très attention. C’est ce que je ferais aussi dans bien des cas mais que faire si le pronostic vital de la victime incarcérée dans le véhicule est engagé ? Comment votre service d’incendie est-il préparé et formé pour un tel cas ? Comment communiquez-vous avec votre propre équipage et avec les autres lors d’incidents (impliquant plusieurs agences) ? Quels choix faites-vous pour accélérer le processus de désincarcération ?
Sauvetage en sports automobiles
J’ai eu la chance de regarder et d’apprendre des équipes médicales / de sécurité de la FIA ainsi que de l’équipe de sécurité AMR INDYCAR. J’ai observé dans les deux organisations que la désincarcération et/ou l’extraction* d’une victime coincée dans son véhicule sont souvent critiques en termes de temps. Bien sûr, l’accent est mis avant tout sur l’état de santé de la victime, mais l’arrêt d’une course ou son ralentissement sont également des paramètres importants. Les équipes de sauvetage veulent travailler rapidement pour libérer la piste et continuer la course.
*Désincarcération ou extractionDans le domaine du sauvetage en sports automobiles, sortir un conducteur de sa voiture est appelé désincarcération et extraction. Pour les services d’incendie et de secours, la désincarcération implique presque toujours l’utilisation d’outils de désincarcération (hydrauliques), alors que dans les sports automobiles la plupart du temps ce n’est pas le cas. Par conséquent, dans ce blog, nous parlons d’extraction lorsque le conducteur est extrait d’une voiture et de désincarcération lorsque des outils de désincarcération sont impliqués. |
Lors d’un week-end avec l’équipe de sécurité AMR INDYCAR sur la piste Pocono, nous avons discuté de différents scénarios et pratiqué quelques heures sur la façon d’aborder un incident. Comment communiquer ? Quel est l’état de santé du conducteur ? Doit-on recourir à une extraction manuelle ou le pilote peut-il s’extraire lui-même ? Cette procédure est toujours dirigée par un médecin, dont le rôle est de déterminer le degré d’urgence de l’état du conducteur ainsi que la méthode d’extraction.
Lorsque l’extraction manuelle est choisie, tous les membres de l’équipe ont leur rôle à jouer et travailleront aussi rapidement qu’ils le pourront et traiteront en même temps leur victime comme si c’était du verre. Les équipes responsables de la sécurité des circuits sont bien formées et certifiées pour leurs rôles.
La première fois que j’ai vu une équipe de sécurité effectuer une extraction manuelle, c’était un peu comme voir six personnes faire une version complexe du tango. Tous les membres de l’équipe avaient leur position autour de la voiture, ils avaient tous une tâche spécifique et lorsqu’ils ont commencé à soulever le conducteur du véhicule, ils ont tous bougé et agi de manière synchronisée. C’est comme s’ils suivaient une musique inaudible qui les guidait au fil des pas de danse de ce tango de la désincarcération.
Sauvetage dans le service d’incendie
Revenons maintenant aux services d’incendie. En gardant à l’esprit ce que j’avais appris de notre partenariat avec la FIA, j’ai commencé à regarder d’un œil neuf la façon dont nous travaillons au service d’incendie. Ne pourrions-nous pas améliorer certaines méthodes pour bien « entendre la musique du tango de la désincarcération » ?
Nous utilisons tous l’approche en équipe depuis de nombreuses années. Et je dirais qu’il s’agit toujours d’un processus de travail effectif et valide qui nous guide dans toutes les étapes du sauvetage suite à un accident de la route. Cependant, en analysant la communication et les différents scénarios que nous pouvons rencontrer, nous pouvons envisager de rendre plusieurs étapes facultatives ou mieux : ajouter quelques étapes supplémentaires afin de créer nos propres pas de danse.
Je vais vous donner deux exemples comme matière à réflexion s’agissant de l’approche en équipe.
Exemple 1 : Communication – SAMURAI LASER
Nos amis de l’ATACC au Royaume-Uni ont inventé l’acronyme SAMURAI LASER il y a quelques années. Cela signifie :
Mode | Vitesse | Voie |
Self (autonome) | Urgent (urgent) (20 min) | Linear (linéaire) |
Assisted (assisté) | Rapid (rapide) (<5 min) | Angled (anglé) |
Manual (manuel) | Immediate (immédiat) (<1 min) | Side (latéral) |
Emergency (urgence) | ||
Relocate (repositionnement) |
L’acronyme vous aide à déterminer le mode de désincarcération, la vitesse et la voie. Mais surtout, il vous aide à communiquer dans un scénario multiagences. Lorsque tout le monde connaît le plan d’action, il est beaucoup plus facile de déterminer les prochaines étapes et de se préparer. Un acronyme comme SAMURAI LASER serait un bon ajout à l’approche en équipe pour faciliter la communication.
Exemple 2 : stabilisation – envisager des options
Dans le cadre de l’approche en équipe, une fois que l’évaluation de l’intervention sur un accident de la circulation a été faite, l’étape suivante est de stabiliser le véhicule. Examinons de plus près nos options ici. Par exemple, si nous arrivons sur une intervention où un conducteur est blessé mais pas coincé, le médecin a déterminé que la victime peut s’auto-extraire (Autonome ; Urgent ; Latéral). Dans ce cas, est-il nécessaire de stabiliser le véhicule ?
Ou lorsque la porte est bloquée et que nous voulons la retirer pour que la victime puisse sortir seule (Assisté ; Urgent ; Latéral). Est-il nécessaire d’avoir un véhicule entièrement stabilisé ? Faut-il retirer les vitres ? Comme nous l’avons écrit dans notre précédent article, la gestion des vitres va au-delà du bris des vitres.
Il faut toujours penser à la stabilisation et ma première approche est toujours de bloquer les roues pour arrêter les mouvements intempestifs d’une voiture. Mais stabiliser complètement un véhicule prend du temps. C’est du temps que nous pouvons économiser et utiliser pour venir en aide à la victime. De toute évidence, lorsque vous avez besoin d’une base stable pour soutenir votre système hydraulique pendant la désincarcération, des cales et des blocs s’avèrent nécessaires. Mais encore une fois, vous pouvez vous demander : avons-nous besoin d’une stabilité totale ou est-ce qu’une stabilité partielle suffit pour terminer notre action et libérer la victime plus rapidement ?
De la course à la sécurité routière
J’ai trouvé fascinant de voir les pas de danse coordonnés de l’équipe de sauvetage en sports automobiles, surtout lors de l’extraction d’une victime d’une voiture de course à cockpit ouvert. Cependant, la raison n’est jamais attrayante bien sûr. L’accent mis sur une désincarcération dirigée par le médecin et le manque de temps, le manque de nécessité et de place pour la stabilisation des véhicules m’ont appris que dans les services d’incendie, nous pouvons également avoir une discussion ouverte sur la question de savoir si et à quel point nous devons stabiliser un véhicule.
Il va sans dire que si une voiture est sur le côté ou sur le toit et susceptible de bouger ou de rouler lorsque nous commençons notre désincarcération, nous devons d’abord stabiliser le lieu de l’intervention. La sécurité de nos sauveteurs et de nos victimes est la priorité absolue ! Mais d’après ce que j’ai appris du sauvetage en sports automobiles, chaque fois que je fais des manœuvres dans mon propre service d’incendie et de sauvetage ou lorsque je forme des clients dans le monde, j’aime connaître leur point de vue sur la stabilisation, la gestion du temps et la communication.
Donc, les deux exemples que je vous ai donnés – un acronyme pour faciliter vos communications sur le lieu de l’intervention et la question de la stabilité totale ou non – constituent comme je l’ai dit matière à réflexion et sont destinés à vous encourager à découvrir vos possibilités pour renouveler ou améliorer vos performances.
Vous pouvez vous poser les questions suivantes : quelle méthode utilisez-vous pour communiquer les étapes du plan de désincarcération ? Avez-vous un acronyme ou une expression plus rapide pour vous assurer que tous les sauveteurs parlent le même langage et savent ce qu’ils ont à faire ? Votre équipe envisage-t-elle différentes options de stabilisation du véhicule sur une intervention de sauvetage ? Avez-vous modifié des étapes de l’approche en équipe ou ajouté vos propres étapes ?
J’ai hâte de lire vos idées dans les commentaires.
Ronald de Zanger
Holmatro Rescue Consultant